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Epiphysiolyse de la hanche

DEFINITION

L’épiphysiolyse de hanche (en anglais : slipped capital femoral epiphysis, SCFE) est une pathologie fréquente de la hanche de l’adolescent survenant pendant la phase de croissance pubertaire. Il s’agit d’un glissement de l’épiphyse par rapport au col fémoral (la métaphyse). Le glissement se produit donc au niveau du cartilage de croissance (épiphysiolyse). L’épiphyse reste contenue dans la cavité acétabulaire et la métaphyse s’ascensionne en avant et en dehors par rapport à l’épiphyse (on peut dire aussi que l’épiphyse bascule en arrière et en dedans).

Sans traitement, le glissement continue à se faire progressivement. Le traitement est toujours chirurgical et a pour but d’éviter la progression du glissement pour prévenir l’arthrose précoce mais tout en évitant la nécrose avasculaire et la chrondrolyse qui peuvent être iatrogènes.

Figure 1 - Radiographie de face du bassin chez une fille de 11 ans avec épiphysiolyse gauche. La ligne de Klein est une tangente au bord supérieur du col fémoral. à droite, la ligne passe dans l’épiphyse. Du côté de l’épiphysiolyse (à gauche), la ligne ne passe plus par l’épiphyse.

PATHOGENIE – HISTOIRE NATURELLE

Des facteurs mécaniques et endocrines jouent un rôle important. Pendant la période de croissance pubertaire, le cartilage de croissance est très épais. à cause de l’augmentation du poids corporel, des forces de cisaillement excessives s’exercent sur l’épiphyse et peuvent créer son glissement. C’est souvent pendant la période de croissance pubertaire que l’épiphysiolyse survient : 80 % des cas surviennent entre 10 et 13 ans chez la fille et entre 12 et 15 ans chez le garçon.

Souvent ces patients sont des garçons obèses et hypogonadiques d’où le nom de syndrome « adiposo-génital ». Il est cependant difficile de mettre en évidence une perturbation hormonale malgré l’apparence physique de ces patients. Les cas survenant avant l’âge de 10 ans se voient chez les enfants qui souffrent d’endocrinopathies.

Les facteurs de risque sont l’obésité, la race noire, les endocrinopathies (hypothyroïdie, hypogonadisme, panhypopituitarisme, hyperparathyroïdie, insuffisance en hormone de croisssance), la radiothérapie et l’ostéodystrophie rénale (l’hyperparathyroïdie secondaire à l’insuffisance rénale). Après radiothérapie, le risque d’épiphysiolyse augmente proportionnellement à la dose reçue. Le glissement est souvent moins important que pour les cas idiopathiques. La bilatéralité n’est possible que si les deux hanches ont été irradiées. Le risque de nécrose est lié à la radiothérapie et à la sévérité du glissement. Chez les enfants irradiés, l’obésité n’est souvent pas présente lors de l’épiphysiolyse. Il existe aussi des facteurs de risque anatomiques comme la rétroversion fémorale, la coxa vara et la protrusion acétabulaire.

Sans traitement, le glissement continue à se faire et la déformation anatomique du fémur proximal s’accentue. Cela finit par entraîner une diminution de la mobilité de la hanche, une inégalité de longueur des membres inférieurs et des douleurs liées à l’arthrose précoce. Il est donc important d’opérer précocément avant l’aggravation du glissement et avant l’altération du cartilage articulaire.

EPIDEMIOLOGIE

L’incidence est estimée à 2-3/100.000 habitants. Les garçons sont le plus souvent atteints avec une ratio de 3:1 à 2:1. Dans 20 à 25 % des cas, l’atteinte est bilatérale. Le diagnostic est souvent posé avec du retard : 80 % des patients ont déjà présenté des premiers symptômes 18 mois auparavant.
Les patients obèses sont plus à risque de faire une épiphysiolyse bilatérale et à un âge plus jeune que les autres.

PRESENTATION CLINIQUE

Classiquement, il s’agit d’un adolescent masculin obèse qui boîte en marchant en rotation externe et avec des gonalgies. Le patient consulte car il présente des douleurs au niveau de l’aine, de la cuisse ou au niveau du genou avec boiterie sans notion de fièvre ou d’altération de l’état général. Dans certains cas, l’appui est impossible (épiphysiolyse instable). Ces symptômes peuvent être exacerbés après un traumatisme même mineur, d’où l’intérêt de l’anamnèse sur la douleur qui peut être sournoise et vague. à l’examen clinique, la hanche est en rotation externe avec un léger raccourcissement du membre inférieur, comme dans les fractures du col du fémur. Une amyotrophie du quadriceps est souvent retrouvée témoignant de la chronicité de
la maladie. La flexion de la hanche entraîne la rotation externe automatique de la hanche (signe de Drehmann). L’abduction, la flexion et la rotation interne de la hanche sont diminuées.

 EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Radiographie
Le diagnostic est radiographique. Les incidences de face et de profil de hanche permettent d’évaluer le glissement.
Les signes radiographiques sont:

  • l’élargissement et l’irrégularité de la physe ;
  • une relative diminution de la hauteur de l’épiphyse ;
  • la ligne de Klein (ligne tangente au col du fémur) ne passe plus par l’épiphyse, elle passe au-dessus de l’épiphyse (FIG. 1) ;
  • le « signe du croissant » : par le fait que l’épiphyse bascule en arrière, elle se superpose au col sur le cliché de face. Il y a donc une augmentation de la densité par la superposition de l’épiphyse sur le col fémoral ;
  • la rupture du cintre cervico-obturateur (ligne de Shenton) ;
  • le glissement est souvent mieux vu sur le cliché de profil.

Dans le cas d’épiphysiolyse instable, la réalisation de clichés de profil est contre-indiquée, afin d’éviter d’aggraver le déplacement et de compromettre davantage la vascularisation de l’épiphyse.
Le glissement de l’épiphyse est mesuré sur le cliché de profil (FIG. 2). L’axe du col est tracé. L’axe de l’épiphyse est la perpendiculaire à la tangente à l’épiphyse.
L’angle est mesuré entre les 2 axes et donne l’importance du glissement. La méthode de Southwick est une méthode de mesure du glissement sur un profil en « frog leg » (hanche en flexion, abduction, rotation externe).

Figure 2 - Radiographie de profil de hanche. La tangente à l’épiphyse est tracée. La perpendiculaire donne l’axe de l’épiphyse. L’axe du col est tracé. L’angle entre l’axe de l’épiphyse et l’axe du col donne le degré de bascule.

Autres examens

Une échographie de hanche à la recherche d’un épanchement éventuel peut être réalisée mais sera peu utile. Une scintigraphie peut être réalisée ainsi qu’une IRM dans la recherche d’une nécrose avasculaire ou en cas de suspicion de chondrolyse où la scintigraphie montre une fixation articulaire. L’IRM permet de faire le diagnostic précoce en mettant en évidence des signes de pré-glissement comme un épanchement intra-articulaire et l’oedème au niveau de la physe.
Le CT scanner est rarement demandé pour les mesures de la rétroversion, de l’angle entre l’épiphyse et le col. On l’utilise pour contrôler la position des implants quand une effraction articulaire est suspectée et l’étude en 3D de la déformation dans le cadre d’une préparation d’une ostéotomie correctrice. Il est en général peu utilisé dans les épiphysiolyses.

Tout patient qui se présente aux urgences avec douleur et/ou une boiterie de hanche avec des facteurs de risque élevés de présenter une épiphysiolyse doit avoir une radiographie de bassin de face avec le profil des hanches. De même, tout patient qui présente des gonalgies doit avoir un bilan radiographique de hanche homolatérale.

VARIANTES ET CLASSIFICATIONS

La classification de l’épiphysiolyse du fémur proximal se fait essentiellement en fonction des symptômes que présente le patient et en fonction de leur durée.

Classification clinique

  • Epiphysiolyse stable : le patient présente des douleurs de hanches ou gonalgies avec boiterie mais peut encore marcher sur le membre inférieur concerné.
  • épipysiolyse instable : le patient se présente aux urgences avec des douleurs importantes et une impotence fonctionnelle majeure du membre inférieur concerné : refus de poser le pied et de marcher même avec les béquilles.

Classification en fonction de la durée de symptômes

  • Epiphysiolyse aiguë : les symptômes du patient durent depuis moins de trois semaines indépendamment de l’impotence fonctionnelle. Elle représente 15 % des cas, les patients décrivent des coxalgies, gonalgies ou douleurs ressemblant à celles d’une fracture. Pas de signes de remodelage observés sur laradiographie.
  • Epiphysiolyse chronique : le patient se plaint de douleur avec ou sans boiterie depuis plus de trois semaines. Les douleurs sont souvent vagues. Elle représente 85% des cas. Radiographiquement, les signes de remodelages sont visibles.
  • épiphysiolyse aiguë sur chronique : un patient qui présentait des douleurs vagues soudainement se plaint de douleurs importantes.

Classification radiographique

En fonction du déplacement, on mesure l’angle épiphyse-diaphyse sur radiographie de face et l’angle entre l’épiphyse et le col sur le cliché de profil.
Le déplacement (angle épiphyse et le col sur le profil) est considéré comme:

  • bénin : la bascule est inférieure à 30° ;
  • modéré : la bascule est entre 30° et 60° ;
  • sévère : la bascule est supérieure à 60° (FIG. 3).

PRINCIPES DE TRAITEMENT

Le traitement est toujours chirurgical. Il n’y a aucune place pour l’attentisme ou la décharge.
Son but est d’éviter la progression du glissement et de minimiser la déformation afin de prévenir l’arthrose précoce. Si le glissement est important, les modifications anatomiques du col (offset, ostéophytes) entraîneront des lésions du labrum et du cartilage acétabulaire par conflit fémoro-acétabulaire.

 

 Figure 3 - épiphysiolyse bilatérale à grand déplacement (> 60°) chez une jeune fille de 11 ans.

QUEL TRAITEMENT

  • Epiphysiolyse à faible déplacement (<30°) : il y a un consensus pour le vissage in situ par une vis cannulée (FIG. 4). On utilise la table orthopédique pour faciliter le passage de la scopie mais il ne faut pas exercer de traction ou essayer de réduire. En effet, toute tentative de réduction risque de provoquer une nécrose et est donc à proscrire. La vis doit être mise au centre de l’épiphyse. Son point d’entrée est antérieur sur le col (et non pas latéral) pour bien viser le centre de l’épiphyse.
  • Epiphysiolyse à déplacement modéré (30°-60°) : épiphysiodèse par une vis canulée centrée dans l’épiphyse (idem).
  • Epiphysiolyse à grand déplacement (>60°) : ostéotomie de Dunn (FIG. 5). Elle consiste à réséquer un coin de métaphyse pour permettre à l’épiphyse de se réduire sans trop de traction sur le pédicule vasculaire de la tête fémorale. Le risque est la nécrose avasculaire.

Le vissage controlatéral prophylactique ne doit pas être réalisé sauf chez les patients avec des risques élevés de présenter une épiphysiolyse bilatérale (exemples : patients < 10 ans, endocrinopathies, insuffisance rénale, etc.) et chez les patients peu compliants. Le taux d’épiphysiolyse bilatérale à l’admission est de 20 %.

TECHNIQUES DE TRAITEMENT

Le patient est installé sur table orthopédique. Aucune manoeuvre de traction ou de réduction n’est tentée. Le point d’entrée de la vis est antérieur. La vis est mise en percutané par une incision de 5 mm (FIG. 6). Le but est de centrer la pointe de vis au centre de l’épiphyse.

Figure 4 - épiphysiolyse de la hanche gauche. La vis, pour pouvoir être placée au centre de l’épiphyse, doit rentrer à la face antérieure du col.

Figure 5 - épiphysiolyse à grand déplacement (même patiente que l’image 3). Une ostéotomie de Dunn a été réalisée des 2 côtés.

Figure 6 - Vissage percutané par une incision de 5 mm

COMPLICATIONS

Les complications majeures liées à l’épiphysiolyse du fémur proximal sont la nécrose avasculaire et la chondrolyse. D’autres complications sont l’inégalité des membres inférieurs, le conflit fémoro-acétabulaire, la fracture de matériel, la pseudarthrose des ostéotomies et les infections.
La nécrose avasculaire est estimée entre 4 et 25 % des cas, elle est liée à la sévérité de la bascule épiphysaire et au caractère instable de l’épiphysiolyse. Toute tentative de réduction par manipulation ou lors de la réalisation d’une ostéotomie du col augmente le risque de nécrose.
Les cas stables à faible et moyen déplacement ne présentent quasi pas de risque de nécrose.
L’épiphysiolyse instable a un taux élevé d’ostéonécrose, de 33 % après un an de suivi à 47 % après deux ans.

Le mauvais placement de vis dans la partie supérolatérale peut endommager la vascularisation épiphysaire et exposer au risque élevé d’ostéonécrose.

La chondrolyse est une destruction du cartilage articulaire du cotyle et de la tête fémorale, elle survient dans 30 % des cas et surtout dans les formes instables. L’effraction de la tête fémorale par les vis et le conflit avec le cotyle entraîné par les implants sont souvent les causes.

La chondrolyse peut être de forme mineure ou majeure. En général, les patients présentent des douleurs et une raideur en abduction à trois semaines post-opératoires. Le traitement est avant tout antalgique par AINS, décharge et de la kinésithérapie pour récupérer les mobilités articulaires.

La prise en charge chirurgicale pour les patients avec chondrolyse sévère qui ont une hanche bloquée ou avec ostéonécrose importante consiste en une arthroplastie par la prothèse totale de hanche.

Figure 7 - épiphysiolyse de hanche gauche chez un garçon de 12 ans. Le chirurgien a réduit complètement l’épiphysiolyse par manoeuvres forcées. De plus, il a utilisé trois broches au lieu d’une seule vis. Il a pris comme point d’entrée la corticale externe du col, ce qui empêche de bien centrer l’implant dans la tête. Forcément, une ostéonécrose est survenue

Figure 8 - Chondrolyse de hanche. La vis n’a pas été bien placée au centre de la tête et sort de la tête (ce qui n’est pas apparent sur la radiographie).