Genu varum (« jambes arquées »)
DEFINITION-PATHOGENIE
Figure 1 - Genu varum physiologique (enfant de 18 mois)
On parle de « genu varum » en cas de déviation de la jambe vers l’intérieur par rapport à l’axe du membre inférieur (avec saillie du genou en dehors). Quand les deux chevilles se touchent, les genoux sont écartés (FIG. 1 & 3). Dans le langage courant, on parle de « jambes arquées » ou en anglais de « bowed legs ».
Le genu varum est physiologique entre 0 et 2 ans. (FIG. 2). Il est présent dès la naissance et est symétrique. Il est lié à la position in utero (FIG. 3) et est souvent associé à une courbure tibiale interne. Il peut aussi être favorisé par des positions fréquentes de l’enfant couché sur le ventre ou les jambes repliées sous lui en rotation
interne (FIG. 4). Un genu varum physiologique est asymptomatique.
Figure 2 - évolution normale des genoux de l’enfant. à gauche - Avant 2 ans, il est en genu varum. Au milieu - Aux alentours de 2 ans, les jambes sont “droites”. à droite - Le genu valgum commence ensuite à partir de deux ans pour être maximal à 3 ans. Après 3 ans, il diminue jusque 6 ans.
Le genu varum est pathologique si il est sévère (>20°), s’il ne régresse pas après 2 ans ou s’il est asymétrique. Un genu varum sévère peut donner des douleurs de genou par surcharge du compartiment interne, mais il n’est pas toujours symptomatique.
Lors de l’examen clinique, on mesure deux paramètres (FIG. 5) : d’une part, l’angle fémoro-tibial et d’autre part l’espace intercondylien interne (EICI). Ces mesures permettent de vérifier l’évolution du genu varum dans le temps.
Figure 3 - Position du bébé in utero, jambes croisées. Cette position favorise une courbure tibiale en varus et une torsion tibiale interne.
Figure 4 - Position assise avec les pieds en rotation interne sous les fesses.
Figure 5 - Mesure de l’angle fémoro-tibial et de l’espace intercondylien interne en cas de genu varum.
DIAGNOSTIC ET VARIANTES
Si l’on suspecte un genu varum pathologique, il faut rechercher les 4 diagnostics les plus fréquents : le rachitisme, l’achondroplasie, la maladie de Blount et la dysplasie focale fibrocartilagineuse.
Une goniométrie en charge est prescrite. Elle permet de faire le diagnostic et permet de mesurer l’axe mécanique des membres inférieurs. Le rachitisme carentiel est dû à une carence en vitamine D. Il est devenu rare chez nous mais se retrouve beaucoup en Afrique. Certains rachitismes ont des origines génétiques comme les rachitismes familiaux vitamino résistants hypophosphatémiques.
Ce sont surtout ces derniers que l’on rencontre chez nous en Europe. Dans le rachitisme carentiel (FIG. 6), la radiographie montre une déformation métaphyso-diaphysaire et un aspect flou et élargi des métaphyses. Dans
le rachitisme familial (FIG. 6), les courbures sont plus diffuses (fémurs et tibias), les cartilages de croissance sont élargis. à la biologie sanguine, la vitamine D est basse, la PTH (parathormone) augmente, d’où une hypocalcémie. Il est à noter que le rachitisme peut aussi donner un genu valgum.
Figure 6, à gauche - Rachitisme carentiel chez une fille de 21 mois. Déformation métaphyso-diaphysaire et aspect flou et élargi des métaphyses. à droite - Rachitisme familial vitamino-résistant chez une fille de 3 ans et 4 mois. Courbures diffuses des fémurs et des tibias. élargissement des cartilages de croissance.
L’achondroplasie est la forme la plus commune de nanisme, avec une prévalence de 1,3 pour 100.000 naissances viables. La maladie est due à une mutation du gène FGFR3 sur le chromosome 4. Ce gène est responsable de la synthèse du récepteur du fibroblast growth factor (FGF). Dans le cartilage de croissance, la mutation inhibe la croissance et la différenciation des chondrocytes. L’achondroplasie est caractérisée par un nanisme rhizomélique (racine des membres), avec humérus (épaule, bras) et fémur (hanche, cuisse) plus courts que l’extrémité du membre (avant-bras, main et jambe, pied). La croissance des os de la face est également perturbée. Les personnes atteintes, à l’âge adulte, mesurent entre 120 et 130 centimètres pour les femmes et 125 à 135 centimètres pour les hommes. La main est normale mais en extension, elle prend un aspect en trident. Il existe souvent une limitation de l’extension de l’avant-bras sur le bras (flessum de coude). L’examen radiologique des os (FIG. 7) montre des anomalies caractéristiques : des irrégularités métaphysaires généralisées, une réduction de la distance interpédiculaire entre les vertèbres lombaires basses et un pelvis anormal avec de petites ailes iliaques carrées et une encoche sacrosciatique.
Figure 7 - Achondroplasie. Anomalies des métaphyses avec des irrégularités généralisées.
La maladie de Blount est caractérisée par un défaut de croissance de la partie médiale du tibia proximal. Cette anomalie conduit progressivement à une déformation en genu varum. L’atteinte est bilatérale dans 60% des cas. L’obésité et l’âge précoce de la marche sont des facteurs de prédisposition à cette maladie.
L’étiologie est sujette à controverse, cette maladie semble être multifactorielle. On peut considérer qu’une surcharge du cartilage de croissance tibial proximal médial entraîne sa souffrance. Sa croissance diminuée entraîne un genu varum qui augmente encore la surcharge et cela devient un cercle vicieux. A la radiographie, l’angle métaphyso-diaphysaire est supérieur à 16° (FIG. 8).
Figure 8 - Maladie de Blount chez un enfant de 2 ans et demi. L’enfant a marché précocément. L’angle métaphyso-diaphysaire est à 20°. On voit une souffrance du cartilage de croissance médial.
La dysplasie focale fibrocartilagineuse du tibia est associée à un tibia vara unilatéral dans la petite enfance. L’image radiologique est typique avec une clarté dans le cortex métaphysaire tibial médial le long du bord latéral de la lésion, sans marge osseuse et de localisation distale par rapport à la physe tibiale médiale.
Dans la plupart des cas, une résolution spontanée survient avec le temps mais il persiste parfois une inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI).
Figure 9 - Dysplasie focale fibrocartilagineuse : toujours unilatérale, une clarté dans le cortex métaphysaire tibial médial est visible le long du bord latéral de la lésion.
TRAITEMENT
Le genu varum physiologique ne se traite pas.
En cas de rachitisme carentiel, il faut donner un traitement par vitamine D. En cas de rachitisme familial, l’enfant doit être suivi par un endocrinologue pédiatre et doit prendre un traitement toute sa vie à base de très fortes doses de vitamine D et de phosphore. Une hémiépiphysiodèse ou une ostéotomie tibiale de valgisation
est parfois indiquée.
En cas d’achondroplasie, si le genu varum est sévère et occasionne une gêne fonctionnelle ou des douleurs, une ostéotomie tibiale de valgisation est réalisée. Le traitement à l’hormone de croissance ne fonctionne pas. Certains patients souhaitent subir des allongements osseux pour augmenter leur taille finale.
Le diagnostic de maladie de Blount doit être posé après l’âge de deux ans car avant cet âge, le genu varum peut être physiologique. Si la maladie est sévère et non traitée, elle provoquera une déformation du tibia proximal et évoluera vers une épiphysiodèse définitive du tibia proximal médial. A long terme, cela provoquera de l’arthrose précoce du genou. La prise en charge doit être adaptée à chaque enfant : un traitement orthopédique est souvent proposé en première intention, mais dans les cas plus graves associés à une douleur, la chirurgie peut être indiquée. Elle consiste en une ostéotomie de valgisation en hypercorrigeant pour permettre au plateau tibial médial de reprendre sa croissance.
En cas de dysplasie focale fibrocartilagineuse, il faut attendre et dans la majorité des cas une résolution spontanée survient. L’ILMI devra être surveillée.
COMPLICATIONS
Il n’y a pas de complication associée à un genu varum physiologique.
Le rachitisme non traité va conduire à une petite taille et à des déformations osseuses parfois très importantes.
La maladie de Blount peut évoluer vers un pont d’épiphysiodèse du cartilage de croissance médial. Dans ce cas, la maladie devient irréversible.
La dysplasie focale fibrocartilagineuse ne laisse pas de séquelle en général sauf une possible ILMI.